Les 7 erreurs du réalisateur
Après les 7 erreurs de l’assistant réalisateur, il était temps d’aborder celles du réalisateur. Du « jeune » réalisateur de fiction tout particulièrement qui appréhende un métier difficile, jonché de petits pièges auxquels l’assistant réalisateur, entre autres, sera rapidement confronté en préparation comme en tournage.
Couper court !
Le grand classique ! Quand le réalisateur coupe trop court ! En clair, pendant une prise, il demande un arrêt immédiat des moteurs (caméra et son) juste après une réplique ou une action au lieu de laisser s’écouler quelques secondes de plus qui pourraient s’avérer précieuses au montage.
Un silence qui se prolonge… Le regard d’un personnage qui en dit long… Une simple sortie de champ… Quelques exemples typiques qui permettraient au montage d’avoir plus de possibilités pour approfondir le propos, ajuster le rythme d’une scène ou encore affiner une transition entre deux séquences.
Même si le réalisateur sait exactement ce qu’il veut au tournage, il n’est pas exclu que ce dernier change d’avis au montage. Il sera donc bien avisé de se donner quelques secondes de plus avant de couper si jamais il veut avoir une marge de manoeuvre supplémentaire. Le conseil récurrent dans ce cas de figure est de couper réellement trois secondes après l’avoir pensé ou encore de solliciter d’un regard son scripte, en cas de doute, qui saura retarder la fatidique échéance si elle a lieu d’être. Chacun fera comme il l’entendra. Si une coupe est donc trop courte, c’est souvent le scripte en premier lieu qui fera la remarque à son réalisateur ou encore le chef opérateur, dès le premier jour de tournage.
Ne pas doubler les prises !
Une bien mauvaise habitude apparue avec le numérique… Au temps de l’argentique, doubler une bonne prise pour la chimie (en cas de problème au laboratoire pendant le développement du négatif) ou en cas de poil (petit résidu de pellicule venu se glisser dans la fenêtre d’impression pendant l’exposition) était un automatisme.
Contraint par le temps ou par excès de confiance envers la fiabilité des capteurs modernes, un réalisateur ne pensera pas toujours à doubler sa prise avant de changer de plan. C’est là que le trio (chef opérateur, scripte et assistant réalisateur) pourra intervenir pour inviter ce dernier « à en refaire une ». Et à raison… que ce soit par sécurité technique, pour une variante au jeu pour le montage ou pour répondre à un comédien qui souhaite la refaire.
Petit conseil aux jeunes consoeurs et confrères premiers assistants réalisateurs. Doubler une bonne prise avant de passer à la suite est généralement une très bonne chose pour les films ! Ne tombez pas dans le piège en vous opposant à la chose en prétextant un manque de temps. Dans le même « setup » technique, cela ne prendra que quelques minutes supplémentaires.
Tourner les répétitions !
Aux heures de gloire du support pellicule (encore une fois), on répétait beaucoup sur le plateau pour tourner assez peu finalement. Le support était précieux car cher.
Aujourd’hui, avec le numérique et son support potentiellement illimité (un vilain à-priori car le stockage a également un coût important), la tendance s’est complètement inversée. On répète une fois dans la plupart et le meilleur des cas puis on tourne très vite ensuite… Trop vite parfois alors que la scène n’est pas bien calée au jeu (positions, déplacements, textes, rythme…) et par conséquent à la technique (points, cadre, lumière, perche, niveaux…).
Par conséquent, ce prétendu temps gagné sur les répétitions est souvent perdu à enchaîner de nombreuses prises qui ne fonctionnent pas. Plutôt chronophage et irritant, vous ne pensez pas ? Évidemment, il y a des exceptions car les cas de figure sont multiples. On vous invite à lire ou relire notre article sur le sujet : « Faut-il tourner les répétitions ? ».Ne pas (ou peu) répéter avec les comédiens !
Un acquis pour la majorité des réalisateurs, qu’ils soient novices ou aguerris : consacrer du temps aux comédiens dans le cadre de lectures et de répétitions. Une des clés de voûte de la réussite du projet ! Que ce soit dans une salle louée pour l’occasion, chez le réalisateur ou encore dans les bureaux de préparation si l’espace s’y prête, l’alchimie entre le comédien et son personnage sous le regard bienveillant du réalisateur démarre ici, en préparation, invariablement.
Dès le début de leurs préparations, le premier et le second assistant réalisateur, conjointement avec le département casting, feront le point sur le rétro-planning de ces répétitions avec le réalisateur et organiseront de concert ces échéances incontournables.
Certes, certains comédiens n’aiment pas répéter ou ne sont tout simplement pas disponibles… et il faudra composer avec, malheureusement.
Pire, certains réalisateurs se contentent de peu de répétitions, voir d’aucunes (avec les enfants notamment) pour préserver une certaine « fraicheur et spontanéité au jeu ». Plutôt risqué avec un plan de travail serré car ils n’auront pas le même temps de recherche et de perfectionnement sur le plateau comparé au temps « plus confortable » de la préparation.
Dans ce cas de figure, l’assistant devra essayer de dégager du temps supplémentaire dans ses prévisions et prévenir son réalisateur de revoir éventuellement son découpage à la baisse pour absorber ce temps qui n’a pas été gagné en prépa.
Les plus critiques d’entre nous (producteurs, scénaristes, assistants, directeurs de casting…), fervents croyants de ce travail de répétition avec les acteurs en préparation, évoqueront sans doute, aux adeptes de la « fraicheur » et de la « spontanéité » au jeu, une fausse bonne idée, voir un non-sens dans un processus de fabrication, propre à la fiction, qui impose intrinsèquement « de faire et refaire » la même chose (dans le cadre d’une prise). Toutefois, il y a des exceptions, encore et toujours (réalisateur particulièrement doué dans la direction d’acteurs, des comédiens talentueux et autonomes, un cadre de production autorisant ce temps de recherche en plateau…) !
Ne pas prendre de scripte !
Haute figure du plateau ! Gardien(ne) de la continuité, du sens et des raccords… Découvrez notre article sur l’importance de ce poste dont il serait « dangereux » de se passer : « Fausse bonne idée n°1 : Ne pas prendre de scripte ! »
Ne pas faire de mise en place !
Phase majeure du processus de tournage d’une scène, il n’est pas évident pour un réalisateur peu aguerri d’exécuter convenablement une mise en place. Lui ou ses comédiens la confondront souvent avec une répétition, tout aussi indispensable ceci dit. C’est au premier assistant réalisateur de lui en parler en préparation et de l’aider au tournage. On vous invite à consulter notre article sur le sujet : « Quid de la mise en place !« Ne pas penser montage !
Un métier à part entière dont les rudiments et mécanismes sont pourtant indispensables au réalisateur. Un apprentissage qui se fait au fur et à mesure : livres sur le sujet (valeurs de plans, règles des 180 degrés et des 30 degrés…), visionnage de films (bons comme mauvais) mais surtout la pratique et les erreurs issues de cette dernière. Même avec peu d’expérience, le réalisateur n’est heureusement pas démuni. Il pourra ainsi éviter bien des maladresses en prêtant oreille à deux collaborateurs majeurs dans ce domaine : son monteur et son scripte. On pensera également au chef opérateur et au producteur, souvent de bons conseils dans le domaine.
En préparation, le réalisateur et le scripte rencontrent généralement le monteur s’ils ont la chance de l’avoir à ce stade. Ce dernier sera fort de propositions et de conseils en tout genre pour permettre une meilleure qualité du projet : filmer un maximum de matières sous différents axes caméras et valeurs de cadre, faire des variantes au jeu et des plans généraux (appelés aussi « establishings ») pour les transitions ou encore penser à un générique de début ou de fin, voir les deux (il faudra peut-être filmer ce dernier). Sans oublier les échanges autour des contingences techniques au tournage (format, cadence…) et en post-production (« workflow »), conjointement avec le chef opérateur et la production.
Réaliser un découpage technique du film, seul ou avec son chef opérateur selon, est aussi un excellent moyen de structurer ses idées et d’anticiper les problématiques possibles pendant le tournage. Ainsi que le temps que cela prendra. Pratique pour son premier assistant ;)
Sur le plateau, comme évoqué ci-dessus, le réalisateur doit éviter de couper trop court et suivre les recommandations de son scripte, entre autres, sur les directions de regards (un casse-tête parfois et à ne pas sous-estimer), les raccords importants ou encore la nécessité d’un « pick-up » (un segment de l’action d’un plan). Il devra aussi savoir faire des choix, souvent à cause des imprévus, avec l’aide de ses proches collaborateurs. Des choix clairement facilités grâce à un découpage technique en amont pour distinguer le nécessaire du superflu. C’est aussi à ce moment-là que l’adage suivant prend tout son sens : « Des contraintes naissent souvent les bonnes idées ! ».
On signalera également que le « penser montage », essentiel donc à la sauvegarde du film, permet également de gagner du temps pour faire plus ou en tout cas, de ne pas en perdre pour tenir au passage les horaires de sa journée de tournage. Le réalisateur est le premier garant du plan de travail avant même le premier assistant réalisateur.Auteur, metteur en scène, directeur d’acteur… Un peu monteur aussi… Réaliser nécessite énormément de savoir-faire et de qualités humaines que nous n’aurons pas listé ici de manière exhaustive. Heureusement, le réalisateur n’est pas seul. Il est entouré d’une équipe qui est là pour lui, pour l’aider et sauvegarder son film. Un film qui parfois le dépassera dans le bon sens. C’est un travail d’équipe après tout.
On insistera jamais assez sur les vertus de la préparation, encore et toujours, pour mieux se prémunir au tournage ainsi que sur les premières qualités du réalisateur : philanthrope, curieux et humble. L’orgueil, un bien mauvais ami dans ce métier ainsi qu’à tous les postes.
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Crédits images : « Ed Wood » réalisé par Tim Burton – 1995 & Warner Bros