Les 5 qualités du parfait perchman
Le perchman ou perch(wo)man est l’un des postes du plateau le plus exposé. Aux acteurs, au cadreur et aussi à l’assistant réalisateur. Ce dernier collabore avec le perchman quasiment à chaque plan. Un changement de texte, une nouvelle position comédien, un axe de caméra ajusté… Comme les chefs de poste, le perchman doit être informé au même titre que le premier assistant caméra et l’accessoiriste sur ce qu’on tourne.
De prime abord, on peut se dire que ça ne doit pas être compliqué de faire ce métier. Détrompez-vous. Ce poste est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Avec l’expérience, un assistant réalisateur pourra l’apprécier et fera également vite la différence entre un bon et un mauvais perchman.
Un bon perchman est physiquement et psychologiquement ENDURANT.
On s’étonne rapidement de la capacité de ce dernier à tenir une perche déployée de plusieurs métres et un micro avec bonnette (protection contre le vent), qui pèse tout de même son poids, pendant de longues minutes que ce soit à l’arrêt ou en mouvement. Et ceci à chaque prise, chaque plan tout au long de la journée.
En tant qu’assistant réalisateur, il vous arrivera peut être de faire une seconde perche le temps d’un plan pour saisir un « off » pendant que la perche principale est sur un « in ». Vous allez vite sentir la difficulté physique de la chose, faute d’habitude. Alors pas besoin d’être bodybuildé mais une bonne hygiène de vie et de bonnes épaules aideront.
Psychologiquement ensuite car il doit composer avec les acteurs, son ingénieur du son et les autres postes de la face. Selon la méthode de travail de son chef, le perchman ira s’occuper des micros HF à poser sur les comédiens, de ces retouches en cours de journée, des changements de piles… Une certaine promiscuité physique avec les acteurs qui demande de la délicatesse et une patience infinie.
Son chef, l’ingénieur du son, peut aussi lui donner du fil à retordre selon son caractère et sa capacité à déléguer (micros HF, remballe…).
Sur le plateau, le perchman aura aussi affaire avec certains autres départements comme les costumes par rapport aux placements de ces fameux micros HF, aux électros et au cadreur / chef opérateur (j’en parle plus bas).
Un bon perchman est DISCRET.
La discrétion du perchman n’a d’égal que celle de son ingénieur du son. Ces derniers sont d’ailleurs réputés pour l’être. A moins de ne pas l’informer, un perchman hors pair viendra rarement vous questionner car il saura observer et écouter le plateau. Il aura été également bien briefé par son chef au préalable.
C’est bien connu, moins on entend quelqu’un plus on l’écoutera si il s’exprime. C’est là tout le charme des gens du son dans ce milieu. :)
On notera au passage que discrétion ne doit pas rimer avec effacement. Si le réalisateur va un peu vite ou si l’image prend trop de place par exemple et que l’ingénieur du son n’appuie par son perchman, ce sera à l’assistant réalisateur de veiller à ce qu’il puisse travailler convenablement. Que ce soit sur la nécessité d’une répétition, d’un espace technique adapté pour qu’il puisse se placer…
Un bon perchman est PRÉSENT.
Un perchman n’est pas uniquement présent aux répétitions et pendant les prises de vues bien sur. Il doit l’être aussi lors de la mise en place et peut être plus étonnant… aux « pré-light » !!
Pourquoi ? Car c’est à ce moment là que la lumière se met en place et se construit. Quoi de pire pour un perchman et son ingénieur son que de découvrir à la répétition un projecteur qui éclaire en douche un comédien et qui empêchera de percher ce dernier à cause de l’énorme ombre projetée sur le visage de ce dernier !? Vous n’avez jamais vu un perchman balader sa perche pendant un pré-light alors que la plupart de l’équipe a quitté le plateau pour laisser travailler l’image ? :)
Assister à ce moment où l’image travaille une scène en lumière, c’est lui permettre d’anticiper les problèmes qu’il risque de rencontrer (son placement corporel, celle de la perche, les ombres ou réflexions à contourner…) en intervenant au bon moment auprès du chef électricien ou chef opérateur pour lui signifier un souci à venir. Ces derniers pourront ainsi plus facilement ajuster un projecteur que ce soit de part sa position ou en coupant une partie de la lumière de ce dernier avec un drapeau par exemple… Si le perchman se pointe de la table régie, café à la main, en découvrant ce type de problèmatique alors que les électriciens viennent de terminer et qu’on s’apprête à répéter, c’est occasionner une perte de temps pour tout le monde car les travaux devront reprendre pour solutionner ce souci d’ombre projeté.
Quant aux mises en place, il est important que le perchman y assiste également car il saura anticiper sa propre position et celle de la perche par rapport au décor d’une part et du cadre à suivre d’autre part.
Un bon perchman a de la MÉMOIRE.
Sur un de mes premiers court-métrages en tant qu’assistant, j’ai rencontré un perchman adorable qui m’avait pourtant passé un savon car je ne lui avais pas fait part des dernières modifications de dialogues écrits la veille par la réalisateur. Le lendemain matin, sur le jour à jour, il s’en aperçoit et me tombe dessus. D’abord étonné, je lui ai rétorqué un naif « Pourquoi ? ». Il m’a répondu qu’il avait appris tous les dialogues de la journée la veille au soir… A ce moment là, j’ai pensé que ce type était fou. Il a ajouté ensuite que cela lui permettait de mieux orienter son micro en bout de perche car il pouvait anticiper les répliques d’un acteur à l’autre pour ainsi mieux « timbrer » leurs voix (NDR : Caractère, qualité sonore spécifique d’une voix ou d’un instrument.).
Sans rentrer dans un dogmatisme du « par coeur », un perchman prendra un soin particulier à relire les dialogues la veille et le matin même avec son jour à jour délicatement donné par le second ou troisième assistant réalisateur selon.
Et si les comédiens improvisent me direz-vous ? Et bien, ça complique la vie de tout le monde. Perchman, ingénieur du son, scripte et in fine le monteur…
Un bon perchman a le SENS DU CADRE.
Le perchman perche en fonction d’un cadre. C’est évident. On en parle un peu dans cet article ARA sur le tournage à deux caméras. En effet, le perchman doit non seulement se concentrer sur sa perche et sa position mais aussi sur le cadreur ou chef opérateur si c’est lui qui cadre. Un tilt (mouvement par le haut ou par le bas de caméra) ou un panoramique prévu ou inopiné au cadre fera rentrer un perchman dans le champ ou son propre micro.
Le meilleur perchman que j’ai rencontré sur un plateau n’avait de cesse que de regarder le cadre du coin de l’oeil et sa perche en même temps sur les plans caméra à l’épaule particulièrement. Il flirtait constamment avec le bord cadre dans la réserve sans jamais y entrer. Le tout sans un ingénieur du son équipé d’un retour image sur sa roulante qui aurait pu le prévenir dans l’oreillette de sa limite de cadre pendant les prises.
Autre chose, un bon perchman fera son bord cadre la plupart du temps seul, sans avoir besoin de le demander à l’assistant réalisateur car il regardera le cadre, prendra ses repères, assistera aux mécaniques, parlera avec le cadreur…
Pour finir, il y a aussi les réflexions. Le perchman aura également une attention particulière concernant ses dernières au cadre car il en provoque lui-même parfois. Que ce soit avec sa perche, son micro ou son corps. D’où, un intérêt certain à balader sa perche sous les projecteurs pendant les pré-lights encore une fois et à s’habiller avec des couleurs sombres pour ne pas dire noire. J’ai connu une perchwoman qui s’habillait en noir TOUS les jours pendant des semaines et sous des latitudes bien exposées au soleil… Bravo !! Elle se reconnaîtra. :)
Ah et puis, un dernier truc à savoir. Quand le perchman ne peut tout simplement pas percher (décor, cadre…), on se dit un peu bêtement qu’il pourrait le faire par le bas du cadre. Techniquement, c’est bien sur possible mais c’est quand même la chose à éviter de balancer sur un plateau quand on est assistant. Pour deux raisons. La première, ce n’est pas notre rôle puis ça peut être mal pris. La seconde, le son « monte » naturellement dans l’air. Percher par le bas nuira à la qualité de ce dernier (EDIT du 18 septembre suite à vos commentaires, le son ne monte pas ! Il est omnidirectionnel).
Il y a d’autres choses à dire mais l’essentiel est là. Un métier bien difficile mais le plus souvent animé par des hommes et des femmes brillants.
Un grand merci à Nassim (ingénieur du son) pour sa contribution à ce billet. ;)
D’accord avec « Mat », et sa remarque à propos de la phrase: « le son monte naturellement dans l’air », qui n’est pas correcte. Le timbre de la voix qui est saisi avec un microphone placé au-dessus du cadre, sera beaucoup plus constant si il y a des variations de grosseur de plan qu’un micro placé en bas du cadre. On peut se permettre de percher « par le bas, dans certains cas, mais on est très vite coincé et la prise de son sera moins belle.
Bonsoir Philippe. Ravi de voir ton commentaire et les infos supplémentaires confiées à ce billet connaissant ton expérience. Partageons ! :) J’ai répondu à Mat plus bas.
Merci pour cet article intéressant. Pour les assistants réal débutants, sur les petits tournages amateurs notamment, on rencontre souvent un problème avec les jeunes ingés son, qui est que souvent, entre les prises, ils vont s’asseoir dans un coin et attendent que ça passe. J’ai beaucoup vu ça dans mes débuts. C’est vrai que les mises en place, les répétitions etc, sont longues et que eux ont besoin de moins de temps de prépa. Mais du coup, ça donne souvent lieu à un ingé son qui se lève deux secondes avant la première prise, et qui du coup n’est pas au courant de l’identif, ne sait pas ce qu’il se passe dans la scène, voire se rend compte qu’il lui faut changer ses piles au moment de lancer la prise etc. Bien sûr, je parle là d’ingé son débutants, mais c’est un problème que j’ai souvent rencontré dans mes débuts sur des petits tournages, et encore récemment avec un ingé son pourtant plus expérimenté, qui ne voulait jamais être convoqué de trop bonne heure, et arrivait comme une fleur 20 minutes avant le PAT, en ayant raté toutes les répétitions qui auraient pu lui être utiles – et qui à chaque mise en place allait se griller une petite clope sur un banc.
C’est une situation très embarrassante pour l’assistant réal, car c’est difficile d’aller voir un collègue et de lui dire quel est son métier.
L’article suggère des choses intéressantes, mais cela implique que l’ingé son demande à son perchman cette présence. Si ce dernier ne le fait pas, que conseillerez-vous pour glisser gentiment à l’oreille des concernés que leur attention serait la bienvenue (sans les froisser – on sait bien qu’il n’y a rien de plus ennuyeux sur un plateau qu’un autre département vienne nous donner des conseils sur comment bien gérer notre métier – et d’ailleurs souvent, les jeunes assistants réal sur des petits tournages sont rapidement exposés à ce genre de petites remarques énervantes)
Car il interface justement avec tous les départements sur un plateau, l’assistant réalisateur possède peut être une certaine légitimité pour « conseiller » un technicien comme le perchman dans ce genre de situation. Il faut savoir l’amener avec tact et au bon moment pour que cela soit bien pris. Cependant, hiérarchie oblige, il vaut mieux passer par son chef avant de s’adresser à lui en cas de problème et avec un retour sur un exemple concret de situation où le perchman a fait perdre du temps faute d’une rigueur adaptée.
Merci pour ton commentaire dav ! :)
L’article est très vrai et très intéressant, cependant une petite chose qui m’a un peu choqué à la fin: « le son monte naturellement dans l’air », non! Le son part dans toutes les directions (idéalement).on ne perche pas souvent par le bas car de nombreux obstacles peuvent se trouver entre la tête de l’acteur et le micro (ses bras par exemple qui sont amenés à bouger pendant la prise, une table etc. ce qui peut provoquer des détimbrages)c’est une des raisons , il y’en a d’autres .on n’a également pas la même latitude si un acteur se met a trop bouger la tête ou même a se retourner, on entends aussi plus les bruits causés par ses pieds. Bref, en tout cas, s’il vous plait, le son ne monte pas , il descend aussi (entre autres)
Merci infiniment Mat pour ce retour. Pour être honnête, il s’agit d’un vieux souvenir lors de mes lectures sur le son à une époque lointaine où on y parlait de propagation des ondes sonores moins bonnes à l’horizontale que sous des angles montants à cause de la densité de l’air. Navré pour cette inexactitude. :)