Le découpage séquentiel ou la numérotation du scénario
Les questions à ce sujet sont récurrentes de la part des auteurs, scénaristes, réalisateurs et aussi de la part des assistants réalisateurs.
Ces derniers jouent en effet un rôle crucial sur la numérotation, qu’on appelle aussi découpage séquentiel, qu’ils reprennent souvent en main dès le dépouillement afin d’obtenir par la suite une liste précise des séquences par décor qui mènera ensuite au plan de travail.
Dans notre précédent article, Petit précis à propos du scénario, nous avions abordé le sujet du bout des lèvres.
Chaque séquence est numérotée. L’incrémentation (1,2,3…) se fait dès qu’il y a un changement de décor ou une rupture de l’unité de temps (ellipse, rupture, flash-back, flash-forward…).
Très souvent lors du dépouillement, l’assistant réalisateur ajuste la numérotation des séquences, voir la sous numérotation au sein d’une même séquence…
En effet, un scénario est découpé séquentiellement avant de l’être plan par plan via le découpage technique. Dès qu’il y a un changement d’unité de temps ou de lieu, voir les deux en même temps, on change de numéro de séquence.
Une simple suite arithmétique si on s’arrêtait là mais évidement, il y a des cas particuliers et au-delà, se pose également la question de la gestion de la numérotation lors des réécritures qui se produisent souvent en préparation et aussi pendant le tournage.
Commençons par le début si vous le voulez bien :)
La numérotation initiale
C’est celle à laquelle l’assistant est confronté lors de la première lecture du scénario qu’on lui confie pour un projet et où, il s’efforce d’être un simple lecteur se laissant emporter par un récit trépidant. :)
Déformation professionnelle oblige, lors de cette toute première lecture non-technique, l’esprit aiguisé de l’assistant réalisateur va d’emblée et ne pourra s’empêcher de relever certaines incohérences sur la dite numérotation. Qui a déjà lu un scénario parfaitement numéroté ?
Une séquence comportant une ellipse importante et impliquant un changement d’effet (ex : JOUR à SOIR)
Une séquence avec deux lieux distincts mais dans une même unité de temps (ex : INT. BOULANGERIE – JOUR > EXT. RUE BOULANGERIE – JOUR)
… Les exemples sont nombreux.
La re-numérotation de l’assistant réalisateur
Ce dernier la revoit dès le dépouillement séquence par séquence et elle peut s’affiner bien entendu par la suite. Elle peut être importante ou mineure selon le type de structure narrative du scénario et les scories à corriger. Il sera en effet plus complexe de numéroter convenablement une histoire sur plusieurs époques ou générations (ex : Forrest Gump de Robert Zemeckis – 1994) qu’un récit linéaire avec un temps de référence unique (ex : La corde d’Alfred Hitchcock – 1948). Quoi que…
Re-numéroter ou re-découper séquentiellement donc consiste simplement à distinguer plus clairement par un numéro de séquence, les différents temps et lieux de chaque action. Ceci permettra d’établir un séquencier précis qui évitera les confusions par la suite avec certains départements à continuité comme le HMC ou la déco.
En théorie, il n’y a pas de limite à un nombre de séquences. Une séquence peut aussi bien durer une seconde qu’une heure trente par exemple. Néanmoins, il convient d’adopter une certaine parcimonie sur le découpage séquentiel afin de garder une bonne lisibilité. En clair, il ne faut pas alourdir inutilement la numérotation.
Les cas particuliers où il N’EST PAS NÉCESSAIRE de re-numéroter !
Il y a une très courte ellipse dans une séquence. Dois-je découper avec une nouvelle séquence ?
Pas forcément, si et seulement si, cette courte ellipse n’implique pas un changement de lieu ou d’effet. Comme indiqué ci-avant, inutile de « sur-numéroter » afin de garder une certaine lisibilité si la séquence comporte le même cadre spatio-temporel.
J’ai une séquence d’appartement avec un personnage qui va et vient entre la cuisine et le salon !?
Idem, pas besoin de re-découper cette séquence. On indiquera simplement les deux sous-décors dans l’intitulé de séquence avec un symbole de direction entre les deux comme « > » pour un aller ou encore « <> » pour un aller retour entre deux sous-décors.
Les cas particuliers où il EST NÉCESSAIRE de re-numéroter !
> Deux personnages discutent au téléphone. L’action les décrit à tour de rôle dans leur lieu respectif ! Je découpe bien la séquence ?
Oui. Si l’auteur décrit une action visuelle particulière pour chacun, il faut re-découper cette séquence si elle ne l’est pas. Vu que l’unité de temps est identique pour les deux personnages, on pourrait envisager d’utiliser une sous-numérotation à l’aide de lettres (ex : 32A. INT. SALON PAUL – JOUR … 32B. INT. CHAMBRE VIRGINIE – JOUR … etc).
Après, on peut aussi sous-numéroter avec des chiffres toujours. À chacun son style (ex : 32.1 INT. SALON PAUL – JOUR … 32.2 INT. CHAMBRE VIRGINIE – JOUR … etc) mais pour être honnête, cette deuxième façon peut prêter à confusion et signifier un numéro de plan dans la séquence…
L’utilisation de lettres permet de subdiviser une séquence sans alourdir la numérotation globale.
Dans le cas d’un récit linéaire en temps réel, que faire ?
Les choses se compliquent bien sûr dans ce cas-là. L’assistant, si l’auteur ne l’a pas déjà fait, doit découper d’une manière ou d’une autre. Sinon, comment indiquer les scènes à tourner chaque jour sur un plan de travail ?
On ne pourra pas compter sur les changements de temps mais peut être sur les unités de lieux, une entrée ou une sortie de champ d’un personnage… Si c’est insuffisant ou impossible dans le cas d’un huit clos, un découpage potentiellement arbitraire doit avoir lieu de concert entre l’assistant et l’auteur.Un flash-back, un flash-forward… Oui ok, ça se découpe car il y a un changement de temps mais puis-je mettre une mention particulière comme « FB », « FF » dans l’intitulé de la séquence ?
Absolument. Tant que cela est clair et concis. (ex : 17. INT. SALLE DE BAIN – NUIT (flash back) … ou encore 17.FB INT. SALLE DE BAIN – NUIT … etc). Ce système peut fonctionner aussi avec les séquences oniriques par exemple.
La gestion de la numérotation lors des réécritures
Quand une ou des réécritures interviennent en préparation, des séquences peuvent être ajoutées et/ou supprimées. Si cela intervient en début de préparation, la numérotation peut être entièrement revue. Cependant, quand cela se produit en milieu ou fin de préparation, voir en tournage, il vaut mieux éviter car les numéros de séquences commencent à être intégrés par l’équipe et figurent sur de nombreux documents, dans de multiples départements…
Que faire alors ?
Et bien, on peut sous-numéroter avec des lettres ou des chiffres, comme évoqué plus haut, les séquences ajoutées et parallèlement, conserver les séquences supprimées en les barrant et/ou en les passant en gris. À votre guise pour conserver la numérotation in fine.
Ce n’est pas idéal mais conserver la numérotation en fin de préparation et en tournage est capital ! Cela évitera les erreurs liées à la mise à jour fastidieuse de la numérotation sur les nombreux documents de mise en scène et des autres départements à dépouillements & listes…
Par la suite, l’assistant réalisateur pourra aussi indiquer, via une note en marge du plan de travail, les séquences supprimées qui figurent encore au scénario.
Lors de la réécriture, n’hésitez pas à demander à votre auteur, scénariste ou réalisateur de vous laisser revoir et vérifier la numérotation avant la transmission de la nouvelle version du scénario à l’équipe et aux comédiens.
Vous pourrez au passage profiter de l’occasion pour faire une note comparative entre les deux versions. Qu’est-ce qui a changé, a été supprimé, etc… afin de faciliter les choses aux autres départements qui auront, par cette note de version, un visuel immédiat sur les modifications (ceci ne devant pas empêcher une relecture de leur part bien entendu). Bon, cette note prendra beaucoup de temps à l’assistant mais elle sera appréciée et fera gagner du temps aux autres postes.
Pour aller plus loin, vos questions et commentaires sont les bienvenus sur notre forum ou dans les commentaires ci-aprés. Nous aurons l’occasion de mettre à jour ce billet avec d’autres exemples de cas particuliers.
Liens vers les scénarios des deux films cités : Forrest Gump & La Corde
Crédit image : The Shining de Stanley Kubrick – 1980