Tommy Gormley – The Production Guild
Il y a quelques semaines, nous avons découvert cet entretien très intéréssant du 1er assistant réalisateur écossais, Tommy Gormley, réalisé par The Production Guild en partenariat avec le British Council et mis en ligne sur Viméo (lien vers la vidéo).
Malheureusement non sous-titré en français et afin de le partager à nos lecteurs anglophobes, passionnés ou simplement curieux du métier d’assistant réalisateur, nous l’avons traduit.
Très bonne lecture à toutes et tous.
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Briony Hanson : Bonjour et bienvenue sur Close Up, une série d’interviews par la Guilde des Producteurs, en partenariat avec le British Council, dont le but est de se rapprocher des personnes qui font certaines des meilleures productions cinématographiques et télévisuelles de Grand-Bretagne.
Aujourd’hui, nous nous entretenons avec un écossais, lauréat d’un Bafta, un premier assistant réalisateur, qui a participé à la réalisation de nombreux grands films tels que Mission Impossible 6, Star trek – Into Darkness, et Star Wars Episode VII – Le réveil de la Force, Tommy Gormley.
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Bonjour et merci de nous accorder cet entretien. Ramenez-nous à vos débuts, étiez-vous un passionné de cinéma ? Avez-vous vécu des moments cinématographiques qui vous ont entrainé vers l’industrie du cinéma ?
Tommy Gormley : Je suis un grand fan de cinéma, obsédé par le besoin de regarder des films depuis toujours. Depuis l’enfance, mes plus grands moments et souvenirs sont liés à des films.
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BH : Vous souvenez-vous de moment précis qui ont marqué votre esprit et votre imagination ?
TG : Je me souviens que mon père était un réalisateur reconnu. L’un des pères fondateurs de l’industrie du cinéma écossaise. C’était avant les magnétoscopes, au milieu des années 70. Je rentrais à la maison très silencieusement parce qu’il enregistrait les pistes audios des films, vu qu’on que nous n’avions pas de magnétoscope. Je me souviens particulièrement d’un jour où il m’a imposé le silence alors qu’il enregistrait « La prisonnière du désert » (« The Searches » – John Ford – 1956).
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BH : Avez-vous eu l’occasion de voir ses films ?
TG : Oh oui, et plus d’une fois avant qu’il ne décède. J’ai été son premier assistant sur un de ses téléfilms.
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BH : Était-ce votre première expérience en tant que premier assistant ? Racontez-nous vos débuts dans le monde du cinéma.
TG : Je n’ai pas étudié le cinéma à l’université. J’ai étudié le droit des entreprises et du marketing. J’avais dans l’idée de travailler dans le cinéma mais je voulais m’assurer un plan de secours au cas où ça ne marcherait pas. Je n’ai donc pas pris de cours de cinéma. À partir de 20 ans, j’ai commencé à travailler comme renfort régie dès que c’était possible en parallèle de mes études. Quand j’ai fini l’université, je suis devenu « runner » à plein temps.
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BH : Et après, vous êtes passé premier assistant réalisateur ?
TG : Oui, enfin il y a toute une échelle de progression dans l’assistanat mise en scène. On commence en tant que renfort puis on passe 3ème si on a de la chance, puis 2nd puis 1er. C’est assez long. C’est tout un processus et je l’ai fait plutôt rapidement, par chance et en travaillant sur des petits films.
Je dois beaucoup à Ken Loach, j’etais son 3ème assistant sur « Riff -Raff » (Ken Loach – 1991), le premier film que j’ai tourné à Londres. Un an ou deux après, le premier assistant n’était pas disponible et de manière un peu folle, il m’a demandé si je voulais le faire. Au lieu de passer du temps à faire d’autres boulots et à gravir les échelons, j’ai commencé jeune, peut être trop jeune mais grâce à Ken, j’ai percé très tôt comme 1er assistant.
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BH : Parlons un peu de la distinction entre premier, deuxième et troisième. Commençons avec le premier, que fait-il exactement ?
TG : Le premier assistant est le sergent major du plateau. Il est responsable de la livraison du film en temps et en heure ainsi que de la direction du plateau. Par analogie, on dit souvent, et ça me plait, que c’est le film du réalisateur mais c’est le terrain du premier assistant. Ce qui signifie que le réalisateur porte le film mais en ce qui concerne le fonctionnement du tournage, le premier assistant a la charge de tout ce qui se passe, quand et comment. Cela se traduit de diverses manières mais pour faire simple, je décide des heures de convocation, de qui arrive où et quand, à quel moment les acteurs se préparent, quelle scène on tourne tel jour dans les grandes lignes. En discutant avec le réalisateur, on construit un puzzle qui doit être le plus efficace possible et je suis la personne qui se charge de faire fonctionner la machine quotidiennement avec le plus de fluidité possible.
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BH: Quelle est la différence entre le premier assistant, vous, et le deuxième, troisième assistant ?
TG : Cela varie. Du petit film au gros film comme Star Wars où on peut être vingt à la mise en scène. Il va y avoir moi, le principal 2nd assistant, un autre en charge de figurants, un autre pour le plateau, un troisième assistant dédiée aux cascadeurs, une équipe de cascadeurs…. Il y a toute une pyramide de gens et je suis en haut de cette pyramide… mais je suis inutile sans mon équipe.
Le deuxième assistant principal s’occupe de tout ce qui n’est pas lié au plateau. Il est donc chargé de gérer le camp de base et d’anticiper les jours à venir. Il contacte tous les acteurs, gèrent les HMC, éventuellement les chevaux, voitures, cascades et autres véhicules. C’est mon bras droit hors plateau. Il vérifie que tout est là et livré sur le plateau en temps et en heure de manière à ce que je puisse faire marcher le plateau efficacement.
Le troisième, c’est mes jambes et mes bras sur le plateau. Il exécute mes instructions. Il m’est indispensable. Il est au plateau avec moi, c’est une personne de terrain.
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BH : Dites-nous en plus, quel genre de personnalité convient à chacun de ces rôles ?
TG : Je crois qu’il faut avoir une forte personnalité. Être 1er assistant, c’est un sacré travail. Il faut être un leader, les gens doivent vous respecter. Par conséquent, vous ne pouvez pas être effacé ou timide.
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BH : Il faut montrer qui est le « patron » ?
TG : Non pas qui est le « patron » ! Le mieux, c’est de ne pas d’essayer de jouer au petit chef. J’essaie de communiquer d’une manière qui ne soit pas blessante mais plutôt stimulante. Il ne s’agit pas de crier ou de s’époumoner. Dès que vous commencez à crier ou à hurler, vous perdez toute autorité. La clé, c’est donc de ne quasiment jamais donner de la voix et quand vous devez élever le ton, ça a vraiment du sens au lieu d’agir comme un son parasite. Le 1er assistant doit être résistant avec un fort caractère. Les seconds peuvent avoir d’autres qualités. Ils sont en contact permanent avec les acteurs. Ils doivent faire preuve d’empathie. Ils prennent soins du casting. C’est un tout autre rôle.
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BH : Racontez-nous les plus grands obstacles que vous ayez eu à affronter.
TG : Oh, des soucis très britanniques. Il me semble que pour Star Wars : Le Réveil de la Force, nous avons débuté le tournage à Abu Dhabi et il faisait plus de 52°C peut être même 54°C (130°F). Je n’avais jamais ressenti une telle chaleur. Afin de permettre aux équipes de tenir le coup alors qu’il y avait des Stormtroopers, des créatures et du maquillage au milieu d’un désert sous 54°C, ça à été un défi énorme. Ce qui est invraisemblable dans ces situations, c’est la difficulté et au final, la satisfaction.
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BH : Il me semble que vous avez travaillé 4 fois avec J.J. Abrams…
TG : …5 fois…
BH : …ah oui 5 fois ! Dites-nous en plus sur votre relation, qui mène le bal ?
TG : J.J. ne questionne pas la façon dont je planifie le film ou les journées de tournage. Si je dis qu’on ne peut pas faire quelque chose, il est généralement d’accord ou si je dis « c’est une fin de journée, on reprend demain » ou même quoi que ce soit d’autre, il est à l’aise pour me laisser la main sur ces aspects organisationnels. De la même manière, je connais son processus et je suis ravi d’essayer de l’aider.
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BH : N’avez-vous pas le sentiment d’être parfois entre deux fronts, avec d’un côté, le producteur et l’argent et de l’autre, le réalisateur et la créativité ? Est-ce que cette position est importante ?
TG : C’est très vrai ! Certains assistants pensent qu’ils sont au service du réalisateur sans comptes à rendre à la production. C’est une grosse erreur car vous avez un pied dans les deux camps. Il ne s’agit pas d’être fourbe mais il faut répondre à deux maîtres. Votre premier rôle, c’est d’être le meilleur ami du réalisateur et vous devez faire tout votre possible pour l’aider à réaliser sa vision. Ce n’est la vision que d’un individu. Vous avez aussi des responsabilités envers la production. Vous savez, l’ambition est toujours sans limite, c’est ainsi mais les ressources sont toujours limitées et c’est une des réalités de la vie. Alors vous avez une grand responsabilité envers la production d’arriver au terme du film dans les temps et budget impartis.
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BH : Pour un débutant dans ce domaine, quel parcours conseilleriez-vous ? Travailler en tant que régisseur ou étudier à l’université et suivre une formation ou bien se lancer et produire ses propres projets ?
TG : Je crois qu’il n’y a aucune norme. Il y a pleins de façons de devenir assistant. Ce qui compte, c’est d’être porté par la volonté. C’est super de vouloir suivre des cours de cinéma et de télévision. C’est une très bonne idée mais en même temps, ce n’est pas une nécessité. C’est super de monter vos propres projets, tout peut aboutir ! Ce qui compte, c’est le désir profond de faire ce métier. Pour ce qui est d’être assistant, trouver un petit boulot, même tant que renfort sur un film TV, c’est un bon départ !
Ce milieu fonctionne à la méritocratie. On dit que l’industrie du cinéma est basée sur qui sont vos relations et qui vous êtes, si vous connaissez des gens bien placés. C’est complètement faux ! Vous pouvez avoir un rendez-vous ou une journée de travail via une personne mais je crois que c’est le mérite qui prévaut. Vous serez vraiment jugé sur votre prestation ce jour-là et si vous faites bien votre job, que vous y apportez les efforts nécessaires, alors vous y parviendrez. Si on veut sincèrement y arriver, c’est à la portée de tous ceux qui en ont la profonde ambition.
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BH : Et lorsque vous avez besoin de constituer une équipe pour ce genre de méga production, que vous recherchez chacun de vos assistants; jusqu’au troisième… Quels sont les critères qui font la différence ?
TG : Avoir un CV nourri et bien écrit. Vous devez trouver un moyen de prendre contact sans harceler et l’équilibre est fragile. Ça en dit long sur vos qualités humaines. Êtes-vous capable de vous faire connaître dans le milieu en agaçant personne ? Donc avoir un bon CV, ne soyez pas timide, mettez votre nom en avant. Recherchez la bonne personne à qui parler au téléphone, soyez agréable, proposez de vous déplacer, de venir à la rencontre de votre interlocuteur à sa convenance.
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BH : Parlez-nous de la Guilde des Producteurs. Vous en êtes membre. Quelle est l’importance de cette structure pour vous et les autres assistants réalisateurs ?
TG : La guilde des producteurs est vitale, c’est une excellente structure. Pour moi, il est essentiel d’en faire partie. Tout d’abord, sur le plan affectif parce que je suis très fier de participer à cette industrie dans mon pays. Nous vivons un âge d’or de l’industrie du cinéma en Grande-Bretagne. J’ai vécu plusieurs années à Los Angeles et je suis revenu en Grande-Bretagne il y a deux ans parce que la majorité des grosses productions viennent ici. C’est devenu le lieu de rendez-vous mondial pour la production haut de gamme. C’est donc une grande chance de participer à cette industrie cinématographique.
La Guilde en soit a un rôle d’encadrement. Le métier a besoin de structure. Elle offre aussi un sentiment d’appartenance. De plus, on a tendance à penser que nos métiers sont à la portée de tous, contrairement au métier de cadreur ou les compétences requises d’ingénieur du son. Tout le monde peut être assistant ou repéreur. Il n’y a pas de formation. Les membres de la Guilde des Producteurs définissent un cadre de travail car il y a un savoir-faire et ces gens ont mérité leurs galons. Ce sont d’authentiques travailleurs acharnés, qui ont acquis un certain niveau d’expérience.
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BH : Tommy Gormley, merci beaucoup. :)
TG : Merci à vous Briony. :)
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Lien Viméo de l’entretien : https://vimeo.com/204338229
Lien vers la page Viméo « The Production Guild » avec d’autres vidéos : https://vimeo.com/productionguild
IMDB de Tommy Gormley : http://www.imdb.com/name/nm0331166/
Un grand merci à nos traductrices, Solène Boulanger et Perle Tharinger. <3