Tourner à deux caméras
Extrêmement rare en court-métrage mais assez répandue sur les longs-métrages et téléfilms, la présence d’une seconde caméra (que nous appellerons B en complément de la première dénommée A) est le résultat d’une nécessité artistique et technique.
Cependant, que ce soit ponctuellement pour les besoins d’une séquence « particulière » ou pour tout le tournage, une seconde caméra ne s’improvise pas en termes de production et de mise en scène, en préparation comme en tournage.
Nous évoquerons ici ses atouts mais également ses limites (méconnues sans l’avoir pratiqué) en nous attardant principalement à son utilisation sur le plateau.
Cela vous permettra de considérer objectivement cette dernière afin d’en faire bon usage car, à défaut, elle pourrait vite devenir un handicap… Paradoxalement.
La question de l’axe !
Deux caméras peuvent s’utiliser dans le même axe de prise de vue ou dans deux différents (généralement à 90 degrés) comme lors d’une scène dialoguée filmée en champ / contre-champ.
> Dans le même axe…
On gagne sur la qualité des raccords au montage et en « productivité car A et B tournent deux valeurs différentes d’une même action et en même temps.
Cependant, un très large sur A et un très serré sur B contraindra la perche au son. Elle sera bloquée par le bord cadre du plan large (A) alors qu’il lui faudrait s’approcher au plus près d’un dialogue par exemple sur le plan serré (B) pour timbrer au mieux la voix du comédien. Le travail du directeur de la photographie peut aussi être contraint pour des rattrapages « de face ». Ses projecteurs et réflecteurs étant eux-mêmes contraints physiquement à se tenir à distance du sujet filmé à cause du plan large sur A.
En clair, limitez l’écart sur les valeurs de A et B pour trouver le juste milieu. Généralement, un plan large va avec un plan moyen et un plan moyen avec un plan serré.
> Dans deux axes…
En champ, contre champ par exemple, A et B favorisent le jeu des acteurs et les raccords au montage… Cependant, cela nécessite plus de travail en lumière (deux axes à éclairer) et réduit drastiquement l’espace technique. Les caméras devront peut être s’éloigner des axes regards des personnages pour ne pas se filmer entre elles… On oubliera la courte focale au profit d’une plus longue… Les électriciens seront potentiellement ennuyés par des contraintes physiques (encore) pour le placement de leurs projecteurs et réflecteurs… Les exemples sont nombreux.
En général, dans des décors à l’espace limité, on utilisera plutôt une seule caméra.
Les astreintes d’une seconde caméra !
– Elle double l’équipe caméra et peut impacter l’effectif des machinistes dans certains cas.
– Elle double les rushes et donc les temps de sauvegardes (backup).
– Elle nécessite souvent un assistant scripte pour le scripte titulaire car il devient trop lourd pour ce dernier de remplir seul les rapports. Pour info, il existe des rapports dédiés pour l’utilisation de deux cameras.
– Elle nécessite deux retours image pour le réalisateur donc encore plus de boulot pour les assistants caméra. Si un seul retour est disponible, il faudra plutôt privilégier la caméra qui filme dans la valeur la plus large (le scripte préfère, après c’est a la discrétion du réalisateur et de ce dernier).
– Elle augmente bien sûr les coûts en location de matériels et en disques durs pour les sauvegardes. Le stockage sur le décor et le cubage des camions techniques sont également concernés. Rien de plaisant pour un directeur de production au budget serré.
Et pour les assistants réalisateurs, qu’est-ce que cela change ?
Tourner à deux caméras fait gagner du temps. Beaucoup de temps si la seconde camera est utilisée à bon escient. Dans le même axe par exemple comme évoqué plus haut. On évitera la B pour des pickups par exemple. Généralement plus rapide à faire avec la A uniquement.
Absolument placer la B, pour shooter du « gras », alors que la A suffit dans un cas précis, peut parfois faire perdre du temps car elle nécessite un temps de préparation technique et artistique supplémentaire et incompressible.
Si vous vous retrouverez à faire le clap ou un des deux. Il faut préciser lors de l’annonce du plan : « Deux caméras » et le noter sur le clap également.
On n’oubliera pas de bien définir les rôles de A et B dés la préparation. Ca évitera la confusion au tournage.
Quelques exemples où la seconde caméra peut être utile !
– Un temps de tournage trop court. Les moyens techniques compensent.
– Une séquence dialoguée avec de nombreux personnages comme autour d’une table lors d’un dîner.
– Les scènes de cascades ou encore de « rouling » en voiture, difficiles ou coûteuses à refaire.
– Les scènes à effets spéciaux type SFX mécaniques ou numériques.
Cet article ne peut être totalement exhaustif sur les différentes configurations possibles. N’hésitez pas à partager vos expériences en ce domaine.